Auteur : Jérémie Van Brussel
Petit événement dans le monde de l’ornithologie : la nouvelle édition du fameux Guide Ornitho de Delachaux et Niestlé est sorti ! On l’a testé et on vous dit tout (ou presque) sur cette nouvelle version !
Dans l’énorme bibliothèque de l’ornithologue bibliophile, plusieurs ouvrages sont incontournables, mais le premier d’entre eux est bien souvent celui-ci. Quand il s’agit d’en emmener un en voyage ou en balade, quand il s’agit d’expliquer une observation à un novice, c’est toujours ce livre que l’on sort en premier. Il recense toutes les espèces du paléarctique occidental et donne les informations essentielles attendues pour tout bon guide : comment reconnaître ce que l’on voit ou entend ? Où et quand peut-on rencontrer quoi ?
La dernière édition de l’ouvrage datait de 2015 et après huit ans de service il était temps de procéder à une mise à jour. Nous sommes nombreux à nous être demandé quels étaient les changements et si l’achat de la nouvelle édition valait la peine alors que nous possédions la version précédente. Nous nous sommes penchés sur la question avec les deux ouvrages en parallèle pour pouvoir les comparer concrètement, page après page. Vous trouverez ici les principales informations sur les changements constatés. La liste n’est pas exhaustive, les livres n’ayant pas été relus intégralement, mais ce travail permet de ne pas se limiter aux arguments marketing promettant de « nouvelles espèces ! ».
Premier contact, première coche
Le premier changement apparaît dès la prise en main : fini les couvertures cartonnées, elles sont à nouveau souples, comme dans les éditions plus anciennes. C’est à la fois plus léger et plus facile à glisser dans les poches des pantalons cargos ou des vestes lors des balades ornithos.
Dès les premières pages, une deuxième bonne surprise : le sommaire. Largement simplifié et beaucoup plus lisible, celui-ci est désormais utilisable dès la prise en main de l’ouvrage. Doublé des signets que le lecteur placera s’il le souhaite, il permettra de naviguer rapidement dans le corpus principal du livre.
À peine plus loin, on constate un changement qui impacte tous les articles du guide : l’échelle de fréquence des espèces a disparu. Soyons honnête : elle donnait lieu à des codes abscons du genre « N4/MC/HC ». Très peu utilisés et de toute façon à compléter avec d’autres sources de connaissances, d’autant que les mettre à jour eût représenté un travail colossal. L’éditeur a visiblement décidé d’en faire l’économie. Que ceux qui l’en blâment lèvent le doigt !
Mais entrons dans le vif du sujet avec les 400 pages de descriptifs qui suivent !
Les Galliformes
La première modification de taille est visible dans la rubrique consacrée à l’ordre des Galliformes (Tétras, Perdrix,…).
Une jolie illustration du Grand Tétras augmente encore l’espace qui était déjà consacré à l’espèce, comme pour rendre hommage à cet emblème des Vosges en grande difficulté.
Un grand remaniement chez les faisans est à noter: les Faisan doré et Faisan de Lady Amherst ont été relégués aux pages des espèces introduites, en toute fin du guide. Un changement lié à l’origine de ces espèces et la petitesse des populations férales. Dans la même logique, le Faisan de Colchide bien présent parmi les autres galliformes voit son espace réduit (à noter que son plumage le plus commun chez nous, « torquatus », n’est plus représenté) et sa carte de répartition ne reprend plus que les zones de présence des populations sauvages, dans le Caucase. Le Guide Ornitho prend donc le parti de considérer que tous les individus observés chez nous sont échappés ou issus de l’élevage pour les loisirs cynégétiques. Un parti pris qui fera sans doute débat.
Remaniement chez les rapaces diurnes
La catégorie tant appréciée des rapaces s’ouvre sur une très belle mise en vedette de l’unique Pandionidae : le Balbuzard pêcheur. Un oiseau que l’on peut observer sur une très grande partie du paléarctique occidental (et ailleurs dans le monde) et qui fait toujours forte impression.
Plus loin, quelques illustrations comparatives de rapaces en vol sont ajoutées en marge des articles.
La précédente édition du guide offrait plus de place au Gypaète barbu qui intègre désormais sobrement une page avec ses cousins vautours. Quelques modifications sont visibles parmi ceux-ci, y compris une illustration mettant en scène un Vautour moine se nourrissant avant les fauves. L’éditeur s’offre pour l’occasion un rare trait d’humour dans le commentaire… Nous ne vous gâcherons pas la surprise !
Le Busard des roseaux voit son article augmenté d’illustrations reprenant clairement femelles et juvéniles. Un apport très appréciable dans nos contrées où l’oiseau est souvent observable et pour lequel les identifications ne sont pas toujours faciles !
Sternes
Trois oiseaux rejoignent l’escadrille des Sternes du guide dont la Sterne africaine qui devient une espèce à part entière et la Sterne Saunders (s’ajoute la Sterne aléoutienne, mentionnée en fin d’ouvrage dans les oiseaux « très rares »).
Martinets
Chez les plus aériens de nos oiseaux également, trois martinets asiatiques s’ajoutent aux pages du guide en raison d’apparitions occasionnelles en Europe occidentale : le Martinet épineux, le Martinet de Sibérie et le Martinet ramoneur.
Des changements de noms
Les changements de dénomination des espèces sont toujours sujets à débat chez les ornithologues. Entre ceux qui tiennent à conserver les noms qu’ils ont toujours connus, ceux qui tiennent à respecter la rigueur de l’arbre phylogénétique et ceux qui s’interrogent éternellement sur l’origine si mystérieuse des noms d’oiseaux… Dorénavant, sachez que le Puffin de Macaronésie devient le Puffin de Barolo, référence au marquis (di Barolo 1782-1838) ayant donné son nom scientifique à l’espèce (Puffinus baroli). Comme attendu, la Mésange à longue queue est bien devenue Orite mais, n’en déplaise au Capitaine Haddock, le Bruant des neiges n’est pas devenu Plectrophane !
Aussi, tous ceux qui guettaient l’arrivée du Pluvier Guignard en migration retiendront que désormais, l’oiseau s’appelle le Guignard d’Eurasie !
La Chouette de Butler devient Chouette de Hume, s’alignant sur le nom anglais « Hume’s owl ». Paradoxe puisque c’est Allan Hume lui-même qui, décrivant l’espèce, avait souhaité rendre hommage à Edward Butler, celui-ci lui ayant fourni le seul spécimen connu de l’oiseau…
L’Alouette de Dune devient Alouette d’Arabie et l’Alouette nègre, Alouette noire.
Enfin, le Traquet oriental devient le Traquet de Sibérie.
Les rubriques « occasionnels rares » et « espèces échappées ou introduites »
Ces rubriques sont remaniées et passent respectivement de 59 à 66 et de 32 à 37 espèces. Quelques remaniements sont notables car ils consistent en un choix rédactionnel : comme dit plus haut, c’est désormais ici que l’on retrouve les Faisans doré, de Lady Amherst ou vénéré. Aussi, les Perruches (P. à collier, Conure veuve ou P. alexandre) sont également reprises ici et, malgré leur présence bruyante, n’intègrent donc pas le corpus principal du Guide.
Qu’en penser ?
De manière générale, les modifications sont légères. Le guide semble s’être tourné vers un public plus large : la révision du sommaire, la suppression de l’échelle de fréquence ou le regroupement selon le genre (chez les Bécasseaux et les Sternes par exemple) améliorent la lisibilité et la prise en main de l’ouvrage. Il s’agit de choix probablement cohérents avec une pratique de l’observation des oiseaux qui gagne en popularité sans pour autant que les amateurs veuillent devenir des experts. Pour ces derniers, de très nombreux et excellents ouvrages restent disponibles ! L’édition du Guide Ornitho 2023 paraît également moins austère, ajoutant quelques illustrations mettant en exergue des espèces très populaires comme le Grand Tétras, le Balbuzard pêcheur ou le Vautour fauve.
Quelques regrets tout de même dans notre chef :
– Quasiment pas de révision des cartes de répartition et quand celle-ci est faite, comme pour l’Elanion blanc ou le Faucon pèlerin, elle semble bien timide si l’on en croit les données disponibles.
– Descriptif des Psittacidae lacunaire car relégué aux dernières pages de l’ouvrage alors que plusieurs espèces en expansion sont observables dans de très nombreuses villes européennes, comme la Perruche à collier ou la Conure veuve, depuis des dizaines d’années. La rédaction a cependant fait preuve de cohérence en réservant le même traitement aux Faisans doré et de Lady Amherst dont la répartition est nettement plus confidentielle.
En conclusion, le Guide ne se trahit pas et reste l’ouvrage de référence qu’il est devenu. Plus que jamais, il aura sa place sous le sapin de Noël si vous avez autour de vous un parent ou un ami qui vous envoie régulièrement une photo en vous demandant quel oiseau a visité son jardin !
Espèces intégrées et notes accessoires : + Flamant nain p. 87 + Epervier Shikra p. 119 + Buse de l’Atlas p. 113 (était sous-espèce de B. féroce avant) + Traquet de Basalte p. 299 (avant sous-espèce de T. deuil) + Fauvette moltoni p. 321 + Dromoïque vif argent et D. du Sahara p. 325 + Mésange d’Iran p. 359 - Bec croisé d’Ecosse p. 401 devient sous-espèce + Roselin à longue queue p. 403 + Roselin de l’Atlas (avant sous-espèce de R. à ailes roses) Autre : p. 291, Robin à flancs roux : ajout d’une illustration en plumage nuptial très coloré !
