Auteur : Jérémie Van Brussel
Photo d'entête : Frelon asiatique (Vespa velutina) - Limal - Bernard Danhaive
La lutte s’organise !
En Région wallonne, c’est le Département d’Etude des Milieux Naturels et Agricoles (DEMNA) et plus particulièrement en son sein la Cellule interdépartementale des Espèces Invasives (CiEi) qui est chargée du suivi de l’espèce, en collaboration avec le Centre wallon de Recherche Agronomique (CRA-W). Suite à un appel d’offres, un prestataire a été désigné pour effectuer les destructions de nids et une plateforme de signalement a été mise à disposition du public.
La saison dernière, le travail de Michael Debiere, prestataire pour le SPW en Hainaut, Province de Namur et Brabant wallon, a vu son activité s’intensifier de manière spectaculaire. Il nous fait part des difficultés rencontrées et d’observations intéressantes :
« Entre les saisons 2021-22 et 2022-23, le nombre de nids détruits a été multiplié par 6. Nous sommes passés de 230 nids à 1400 nids détruits. Nous constatons que l’emplacement des nids est plus varié que par le passé. La majorité d’entre eux reste placée haut dans les arbres, mais certains sont désormais construits très bas, dans une haie ou sur un élément de bâti comme un poteau électrique. Nous bénéficions de l’expérience française où les interventions mal menées ont conduit à des difficultés accrues. Par exemple, lorsque nous intervenons sur un nid, nous ne le détruisons pas car il est important que la colonie meure dans le nid. Si elle fuit le nid, elle en construira parfois deux ou trois dans les environs proches. C’est ce qui a mené à la démultiplication des nids dans certaines régions de France. »
En tant qu’apiculteur, il explique sa passion pour les hyménoptères et son intérêt à travailler de la manière la plus propre possible tout en acceptant la nécessaire utilisation de produits toxiques à l’environnement. Malheureusement, tous les prestataires actifs dans le domaine n’ont pas la même éthique : « Nous n’avons pas attendu l’arrivée du Frelon asiatique pour constater le problème, mais évidemment, ça a tendance à s’aggraver. Qu’il s’agisse de particuliers intervenant eux-mêmes ou de « professionnels » peu scrupuleux, il n’est pas rare que nous arrivions sur des sites où des lierres mellifères ont été entièrement aspergés d’insecticide. C’est non seulement catastrophique pour tous les insectes butineurs présents sur place, mais parfaitement inefficace pour lutter contre le Frelon qui fréquente certes les lierres pour y chasser, mais n’y construit pas son nid. Or les produits que nous utilisons, ce n’est pas du lait en poudre ! Nous devons l’utiliser de manière raisonnable au risque de causer plus de tort aux abeilles que nous tentons précisément de protéger ! »
Nous ne pouvons que lui donner raison. Il est déjà regrettable d’avoir à utiliser des insecticides en milieu naturel, en sachant qui plus est que des oiseaux viendront ensuite consommer les larves résiduelles des colonies détruites. Il est donc particulièrement important de faire appel au prestataire désigné par les autorités, celui-ci ayant montré son attention à limiter au maximum la propagation des produits toxiques dans la nature. L’intervention sur un nid est spectaculaire : il s’agit de déployer une perche allant jusqu’à plus de 30m de long pour permettre l’injection de produit au cœur du nid, avec le minimum de déperdition dans l’atmosphère.
Nid de Frelon asiatique – Nil-St-Vincent – Jérémie Van Brussel
Colonie détruite, nid dégradé, prédation – Jérémie Van Brussel
Michael Debiere poursuit : « L’équipement nécessaire à l’intervention de professionnels, toujours à deux, coûte 6 à 7000 €, ce qui rend difficile la rentabilité de l’activité. Le risque est qu’à l’avenir, la mission soit confiée à des prestataires moins regardant qui ne feront pas leur métier correctement et entraîneront des difficultés. Nous devons garder à l’esprit que le Frelon asiatique n’est que la 4e cause des pertes de colonies d’abeilles après l’usage de pesticides agricoles, le varroa ou la prédation naturelle, il serait donc paradoxal de vouloir réguler le Frelon en utilisant abusivement un insecticide qui nuirait plus encore aux abeilles !
Aussi, concernant les signalements de nids, le système actuel est améliorable et nous y travaillons. La plateforme de signalement n’est pas toujours claire et de nombreux signalements sont mal faits : il nous est arrivé de ne pas trouver le nid signalé, de ne pas avoir accès à une propriété privée ou de rebrousser chemin lors de la recherche de nid alors que des chasseurs tiraient à proximité ! »
L’occasion d’insister sur la qualité du signalement : il est important de donner un maximum d’informations sur le lieu et la nature de l’intervention à prévoir en ajoutant si possible le contact du propriétaire si le nid est situé en propriété privée. L’année passée, un nid construit dans une haie bordant un chemin piéton – donc potentiellement dangereux – n’a pu être détruit que deux semaines après son signalement car celui-ci ne précisait aucune adresse…