L’Accenteur mouchet

Auteur : Thierry Maniquet
Photo d'entête : Accenteur mouchet - Archennes - Hervé Paques
Article publié en 2011 dans le Bruant Wallon n°10

Nous attirons votre attention sur le fait que les informations contenues dans cet article ont 10 ans. La nature a bien sûr évolué durant cette période…

Alors que le printemps tout doucement va commencer à pointer son nez, je voudrais vous parler cette fois de la « fauvette d’hiver ». S’agit-il d’aborder la question des Fauvettes à tête noire tentant d’hiverner dans nos contrées? Que nenni! Il s’agit du « mouchet », aussi appelé « traîne-buisson ».

Vous aurez ainsi compris que je veux parler de l’Accenteur mouchet. Le nom de « fauvette d’hiver » lui a été attribué par Buffon, probablement sensible au fait qu’alors que les fauvettes quittaient nos contrées à l’automne, des accenteurs descendaient eux du nord de l’Europe pour venir hiverner dans nos contrées.

L’appellation « traîne-buisson » est quant à elle plus directement compréhensible, tant ce nom correspond à merveille à son comportement d’oiseau fureteur au pied des haies et des buissons, milieu dans lequel du reste il installe également son nid. D’où son nom en anglais de « moineau de haie » – hedge sparrow -.

Le fait de l’appeler « moineau » en anglais est aussi révélateur du fait que bon nombre de personnes, peu attentives à bien observer les oiseaux de leur jardin, ignorent totalement la présence de l’accenteur, croyant erronément qu’il s’agit d’un moineau. Pourtant son bec fin et aigu d’insectivore est bien différent du bec bien plus gros et conique du moineau. Du reste, il ne sautille pas au sol comme le moineau.

Cet oiseau bien discret cache pourtant des mœurs sexuelles bien particulières. Il s’agit en effet d’un oiseau polygame d’un genre particulier. Les oiseaux polygames sont soit polygynes (un mâle s’accouple avec plusieurs femelles) ou polyandres (une femelle s’accouple avec plusieurs mâles). Et bien, l’accenteur lui est « polygynandre », c’est-à-dire qu’un mâle va s’accoupler avec plusieurs femelles, tandis que dans le même temps, une femelle va s’accoupler avec plusieurs mâles. Ce comportement assure ainsi un brassage génétique maximum, mais est à la base de parades nuptiales complexes réunissant plusieurs oiseaux. On pourra ainsi par exemple voir un mâle envoyer des coups de bec sur le cloaque d’une femelle pour l’inciter à évacuer le sperme d’un mâle précédent !

Notre accenteur est une des espèces dont le nid est parasité par le coucou (là où il y en a encore!). Mais particularité, là où bien souvent le coucou veille à pondre des œufs de la même couleur que ceux de l’espèce parasitée (pipits, rousserolles, bergeronnettes) pour éviter que ses œufs ne soient rejetés (ces oiseaux sont ainsi qualifiés de « rejeteurs »), cette précaution n’est pas nécessaire avec l’Accenteur mouchet. Quelle que soit la couleur des œufs pondus par le coucou, ils ne seront pas rejetés par l’accenteur qui est dit « accepteur ». Dans la course à l’armement que se livrent le coucou et les espèces parasitées, l’accenteur serait-il dès lors « en retard » par rapport aux autres espèces qui ont « forcé » le coucou à affiner sa stratégie? Une explication serait que l’accenteur est une espèce piégée par le coucou depuis moins longtemps que d’autres espèces et qu’il n’a pas encore eu le temps de développer des mécanismes de défense appropriés.

Sources

  • Article inaccessible actuellement : http://www.questmachine.org/article/Accenteur_mouchet_(Prunella_modularis)
  • T. LODE, La guerre des sexes chez les animaux : une histoire naturelle de la sexualité, Ed. Odile Jacob, 2007
  • S. DELIGEORGES, Cosa Nostra chez les coucous, La Recherche