Auteur : Bernard Danhaive – Photo d’entête : Vincent Rasson
La période des migrations postnuptiales des insectivores se termine tout doucement, et une des espèces emblématiques de nos parcs et jardins a eu l’honneur de l’actualité télévisuelle ces derniers mois …
Il s’agit de la Fauvette à tête noire qui a fait récemment l’objet d’un reportage sur Arte et au Jardin Extraordinaire.
Et le moins qu’on puisse dire est que nous en découvrons encore tous les jours sur la complexité des phénomènes migratoires et sur la faculté d’adaptation des oiseaux !
Voyons ce que nous apprend ce reportage …
Europe centrale
Pour les routes migratoires, deux groupes de fauvettes sont à considérer : celui de l’Europe occidentale qui contourne les Alpes par l’ouest et hiverne autour de la Méditerranée occidentale, parfois même jusqu’en Afrique de l’Ouest. Et le groupe de l’Europe de l’est qui migre en Méditerranée orientale.
Il existe donc une frontière invisible entre ces deux populations, un « fossé migratoire ».
La question qu’on peut alors se poser est : mais qu’en est-il des populations hybrides vivant dans cette zone ?
Eh bien une expérience qui a été menée en Autriche le long du Danube a fourni des réponses étonnantes : les hybrides résultant du croisement des deux populations ont été suivies par géolocalisation durant leur migration, et on a constaté qu’elles ont migré plein sud ! Cette route est pourtant celle de tous les dangers : elle nécessite de traverser les Alpes, la Méditerranée dans son milieu et enfin le Sahara. Les individus capturés à leur retour ont été la preuve (vivante !) que certains ont survécu à cet itinéraire plein d’embûches.
Andalousie
Les ornithologues andalous voient arriver chaque automne d’énormes quantités de Fauvettes à tête noire venant de toute l’Europe occidentale ; on estime qu’elles sont vingt fois plus nombreuses que les sédentaires locales. Et la cohabitation avec les occupants des lieux ne se passe pas toujours de façon pacifique : ce sont principalement les migrants juvéniles qui sont chassés des zones forestières et se retrouvent dans des milieux ouverts, moins favorables et plus exposés aux attaques de prédateurs.
La comparaison des deux populations a révélé des différences morphologiques qui s’expliquent par la longueur de la migration : les migratrices ont des ailes plus longues, des pattes plus courtes et une structure corporelle plus légère : tout bénéfice pour parcourir de grandes distances !

Angleterre
Une évolution récente des flux migratoires a été mise en évidence en Angleterre. Il y a 50 ans, aucune Fauvette à tête noire ne passait l’hiver dans les jardins du sud de l’Angleterre. Or on constate aujourd’hui que les populations hivernantes sont de plus en plus nombreuses au fil des années.
La géolocalisation a permis de mettre en évidence un phénomène étrange : en fin d’été, au lieu de partir vers le sud, certaines populations européennes de Fauvettes à tête noire prennent la direction des Îles Britanniques !
On attribue ce phénomène à deux facteurs : tout d’abord le réchauffement climatique qui affecte notamment le sud de l’Angleterre, et ensuite le fait que les Anglais sont les champions européens du nourrissage des oiseaux en hiver. On estime qu’un foyer sur deux le pratique !
Cette abondance de nourriture permet non seulement aux oiseaux locaux de passer l’hiver sur place mais elle déroute également des populations européennes qui, autrement, auraient mis le cap vers le sud !
Nous sommes donc bien en présence de l’adaptation d’un comportement millénaire aux conséquences d’activités humaines. La Fauvette à tête noire fait partie des passereaux dont la population augmente, et cela grâce à sa grande adaptabilité aux changements.
La Fauvette à tête noire niche dans toute l’Europe.
A la fin de l’été, son régime alimentaire, qui était principalement insectivore, se modifie : elle se met à consommer des baies et fruits, en vue de la migration et pendant celle-ci. Grâce à cet apport très énergétique, sa masse corporelle augmente de 30%.
Son activité circadienne change également : elle devient nocturne puisque les migrations s’effectuent la nuit, principalement pour échapper aux prédateurs.
Elle s’oriente d’après les étoiles en tenant compte de la rotation de la voûte céleste ; et lorsque le ciel est couvert, elle utilise sa boussole interne qui est capable de mesurer l’inclinaison du champ magnétique terrestre.
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