Auteur : Jean Dandois Photo d'entête : Grosbec casse-noyaux - Stephan Peten
Voilà un Fringillidé de notre avifaune qui demeure assez méconnu au point que certains se posent la question de savoir si cette espèce niche chez nous ou pas. Répondons d’emblée que l’espèce est bien présente et nicheuse mais qu’elle est discrète et que sa répartition n’est pas uniforme dans la province.
Commençons par la présentation de l’espèce : fiche descriptive.
Lors du dernier atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie 2001-2007, la population nicheuse en Brabant wallon avait été évaluée à une vingtaine de couples (nicheurs probables et certains) ce qui constitue certainement une sous-estimation vu la difficulté de repérer l’oiseau (voir les Enseignements de l’Atlas pour le Brabant wallon, Bruant wallon n° 23).
Si l’on se réfère à l’atlas antérieur (Atlas national de 1973-1977) où l’effectif de l’espèce était plus important, il y a donc eu une forte diminution dans notre province, contrairement à la tendance générale en Wallonie où l’espèce était classée comme nicheur assez commun, répandu et en progression.
Aujourd’hui, près de 20 années après le dernier atlas régional, il est difficile de dégager une tendance pour cette espèce dans la province bien qu’il nous semble qu’elle puisse être en augmentation. Nous devrons attendre la réalisation du prochain atlas pour avoir une vue plus claire. Le prochain atlas régional devrait démarrer d’ici début 2023 et traitera non seulement des oiseaux nicheurs mais aussi des oiseaux hivernants ce qui concerne aussi cette espèce.
Nous pouvons cependant déjà regarder les données publiées sur le portail Observations.be pour la période allant de 2008 (démarrage du portail) à nos jours (26.06.2022). Les cartes et graphiques présentés sont tous issus du portail.
La carte ci-dessous localise les occurrences des observations publiées sur le portail (carrés de 1 km²). On y voit clairement que l’Est de la province est pratiquement dépourvu de mentions de même que le Centre-Ouest et l’extrême Ouest. Ces régions sont dépourvues de massifs forestiers et sont également moins bien prospectées par les observateurs !
En examinant cette fois le nombre d’observations par carré, toujours sur la même période, seuls 6 carrés ont enregistré un nombre important d’observations allant de 30 à 125 observations, ceci étant lié à la pression d’observations et à l’assiduité de certains observateurs locaux. Le carré de Pécrot remporte la palme avec 125 observations suivi par celui du golf de LLN et partie du bois de Lauzelle avec 58 observations.
A quelle période de l’année peut-on voir le Grosbec ?
C’est que l’oiseau n’est pas si facile à voir : il est d’un naturel discret et farouche et ses manifestations vocales qui aident grandement à le repérer ne sont pas perçues par tous les observateurs.
La population locale du Grosbec est rejointe d’octobre à avril par un contingent de migrateurs, venant d’Europe du Nord et de l’Est, contingent plus ou moins important selon les années. L’espèce est aussi plus facile à voir en hiver (recherche de nourriture au sol, fréquentation des mangeoires) et c’est à la fin de l’hiver et au printemps que les manifestations vocales sont les plus intenses. Ces différents éléments permettent de comprendre le graphique qui suit.
Les observations durant la période de nidification vont en diminuant jusqu’à un minimum en août-septembre pour ensuite remonter avec les migrateurs et la saison hivernale.
Variabilité interannuelle des effectifs de l’espèce
Le graphique suivant montre une présence plus importante qu’en moyenne pour les années 2011, 2013 et surtout 2018, avec une tendance à l’augmentation sur la période 2019-2021 et probablement 2022 car nous ne sommes qu’à la mi-année. Ceci est en partie corroboré au niveau national où l’on observe des années exceptionnelles en 2013, 2017-2018 et 2020-2021 avec une tendance générale à l’augmentation du nombre d’individus observés.
Les pics observés sont liés à des afflux de Grosbecs en provenance d’Europe du Nord et de l’Est, arrivés à la fin de l’année précédente à la recherche de nourriture en raison d’une forte reproduction au printemps et de réserves de nourriture locales insuffisantes (faibles fructifications chez les espèces d’arbres produisant des samares notamment, ormes, frênes et érables).
Et la nidification ?
Des données précises sur la nidification dans la province sont peu nombreuses sur le portail Observations.be. Des juvéniles ont été notés en mai-juin ainsi que la becquée (généralement des chenilles). Pas de mention de nid, celui-ci étant toujours placé très haut dans les arbres.
A propos de la migration
C’est la migration postnuptiale qui est la plus visible et la plus suivie : c’est donc elle qui fournit l’essentiel des données disponibles sur le site international dédié au suivi de la migration Trektellen.org. Le suivi de la migration postnuptiale à Corroy-le-Grand (voir Trektellen.org) a permis de noter quelques oiseaux en migration active mais pas en nombres importants. Comme dans le reste de la Belgique, le pic de la migration de l’espèce démarre à la mi-septembre, culmine en octobre et se termine à la mi-novembre.
Au niveau belge, sur la base de tous les sites de suivi migratoire repris sur Trektellen.org (période 2005-2022), on peut clairement voir les années de migration postnuptiale exceptionnelle : 2012, 2017 (5.578 ex. comptés !) et 2020-2021. Ces arrivées de fin d’année se sont traduites par une présence beaucoup plus importante notée au cours de l’année suivante comme nous l’avons décrit plus haut. L’avenir nous dira ce que la migration postnuptiale de 2022 nous apportera !
Vous en connaissez maintenant davantage sur cette magnifique espèce au format unique et original. Et vous en savez également un peu plus sur son statut en Brabant wallon.
Vous serez bientôt appelés à la rechercher davantage dans le cadre du nouvel atlas wallon des oiseaux nicheurs et hivernants.
Bonne recherche ! Ouvrez l’œil et tendez les oreilles.
Le Bruant Wallon 