Frelon asiatique : espèce invasive

Auteur : Jérémie Van Brussel 
Photo d'entête : Frelon asiatique (Vespa velutina) - Limal - Bernard Danhaive

Une espèce de plus ou de moins, quel est le problème ?

La problématique des espèces exotiques envahissantes est vaste et concerne tout le règne du vivant. En France par exemple, on en est venu à tester le pâté de Ragondin tant l’espèce venue d’Amérique du Sud a colonisé cours et plans d’eau. En Belgique, la progression du Raton Laveur est également spectaculaire et s’avère dramatique pour une série d’espèces indigènes. Du Varroa (acarien, parasite de l’abeille mellifère) au Raton, en passant par l’Écrevisse américaine ou la Coccinelle asiatique, l’homme n’est jamais étranger au mouvement de ces espèces qui peuvent provoquer de grands bouleversements dans les contrées conquises. L’arrivée de Vespa velutina chez nous n’est qu’une nouvelle étape dans ce grand brassage qui en connaîtra d’autres. Mais à chaque fois, nous devrons nous adapter, au même titre que les espèces sauvages.

Car dans ses contrées d’origine, le Frelon asiatique ne pose évidemment pas de problème. Ni à l’homme, ni aux espèces qui l’entourent. Car un équilibre s’est créé. Lorsqu’une espèce est « invasive » c’est parce que dans la zone d’arrivée, elle ne rencontre ni ses parasites habituels, ni les prédateurs qui la « régulent » dans son aire de répartition naturelle. En l’occurrence, si le Frelon asiatique est la proie d’oiseaux insectivores et peut évidemment être victime de maladies, en Chine, en Inde ou en Mongolie, ce sont surtout les autres hyménoptères qui se livrent de furieuses batailles et équilibrent les populations les unes des autres. Chacun occupe une niche écologique ou un milieu distinct et contribue à réguler les autres populations.

S’il arrive que Vespa velutina s’attaque à une ruche en Asie, les abeilles ont là-bas des comportements de lutte consistant par exemple à laisser entrer l’exploratrice dans la ruche afin de former une boule autour d’elle. Des centaines d’ouvrières s’agglutinent autour de l’assaillante qui finit par mourir de chaud. En Europe, le Frelon asiatique n’a rencontré aucune résistance lors de son invasion : ses parasites n’ont pas suivi l’exil, les hyménoptères concurrents sont bien moins nombreux qu’en Asie, quant aux prédateurs, ils sont quasi-inexistants.

La documentation concernant la prédation des Frelons est encore peu abondante en raison de l’arrivée récente de l’espèce. On sait que le Frelon asiatique est consommé par la Bondrée apivore, par le Guêpier d’Europe ou encore la Pie-grièche écorcheur. Les deux premières espèces ont longtemps été perçues comme nuisibles par les apiculteurs car ayant une réputation de grandes consommatrices d’abeilles, un Guêpier étant capable par exemple de consommer jusqu’à 400 abeilles par jour. Et même si la Convention de Berne a permis une protection et un redéploiement des espèces d’oiseaux, leur étendue est moins large que par le passé, en raison du déclin global des insectes, principale source de nourriture pour elles. La prédation par les oiseaux existe donc mais est bien insuffisante pour réguler les populations de Frelons asiatiques.

En Belgique, plusieurs espèces très communes ont été observées pillant des nids en fin de saison, comme les mésanges (charbonnières ou bleues), les étourneaux, les Pies bavardes et récemment, une Martre des pins a été filmée se nourrissant des larves résiduelles d’un nid abandonné en Espagne. Néanmoins, ces « prédations » n’interviennent que trop tard dans l’année et dans le cycle de reproduction des insectes, à un moment où les nids sont largement désertés par les futures reines fondatrices, voire après destruction de la colonie par injections d’insecticides…

Récemment en France, le Frelon asiatique a néanmoins été parasité par une petite mouche (Conopidae) qui se sert de la reine comme hôte, les larves de mouche la dévorant et mettant ainsi fin à la colonie. Il s’agit là du premier parasitage documenté pour l’espèce depuis son arrivée sur le continent européen. Il est trop tôt pour tirer des conclusions quant aux conséquences possibles mais si l’on se réfère à l’impact de ce genre de parasitisme dans l’aire naturelle de répartition, l’effet sur les populations européennes sera sans doute négligeable.

Malgré toutes ces données intéressantes, force est de constater que l’espèce ne rencontre pas de contrainte importante, ce qui explique son expansion remarquable.