Texte : Thierry Maniquet Photo d'entête : Perdrix grise - José Granville - Chastre Article publié en 2010 dans le Bruant Wallon n°9
Nous attirons votre attention sur le fait que les informations contenues dans cet article ont 11 ans. La nature a bien sûr évolué durant cette période…
Jusqu’au 23 janvier, le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles présente une exposition consacrée au peintre Lucas Cranach l’Ancien (1472-1533), l’un des plus grands peintres de la Renaissance allemande du XVIème siècle. Portraitiste infatigable, il est aussi le peintre de biens étranges nudités (Le Vif, 15.10.2010). Quel rapport avec les oiseaux, me direz-vous ? C’est que dans plusieurs portraits de nus féminins, on retrouve un couple de Perdrix grises.
Regardez ainsi le tableau Lucrecia (http://www.artexpertswebsite.com/pages/artists/artists_a-k/cranach/Cranach_TheNymphOfTheSpring.jpg) ou encore The Melancholy (http://www.canvasreplicas.com/images/Melancholy%20Lucas%20Cranach.jpg). Ces deux tableaux au fort pouvoir de séduction utilisent, parmi différents symboles, celui d’un couple de perdrix. Pourquoi ?
C’est qu’autrefois, la Perdrix grise était considérée comme une sacrée friponne, symbole de la tentation et incarnation du démon. Sans doute cette image avait-t-elle à voir avec sa grande fécondité (elle peut pondre jusqu’à 25 œufs !). Ainsi, on disait de la femelle qu’elle était tellement féconde qu’ « elle concevait à la voix seule, au vol ou à l’haleine du mâle ».
Il en résulte que dans les campagnes l’on pensait que consommer sa chair poussait à la luxure et qu’elle entrait parfois dans la fabrication des philtres d’amour.
Cette symbolique se retrouve même en Asie où la perdrix était le symbole des amours non-conformes à la morale.
Quand on connaît aujourd’hui le comportement discret de cette espèce, l’attachement du mâle à sa femelle, on se dit que c’était lui faire un bien étrange procès.
Il faut noter toutefois que sa fécondité en a fait aussi un symbole de richesse et d’abondance : elle pondrait tant d’œufs qu’elle en sèmerait parfois sur son parcours. D’où plusieurs expressions stigmatisant ceux pour qui la vie est facile : de quelqu’un qui n’a aucun mérite, on dira qu’il « reçoit des perdrix toutes rôties dans le bec ». Quant à ceux qui croient que tout leur est dû, on les préviendra que ce n’est pas tous les jours que « les perdrix tombent toutes rôties dans l’assiette ».
Sources :
- BERTRAND, Le Bestiaire sauvage, Histoire et légendes des animaux de nos campagnes, Plume de Carotte, Toulouse, 2006
- http://wwwbibli.vet-nantes.fr/theses/2005/hebert05_42/p4_3.pdf
- http://tracesetroutes.blogspot.com/2010/03/symbolisme-des-oiseaux_09.html