La mue chez les oiseaux : Quelques espèces

Auteur : Bernard Danhaive
Photo d'entête : Busard des roseaux en mue - Patricia Cornet
Article publié en 2 épisodes, en 2014 et 2015 dans le Bruant Wallon n°24 et 27

Nous attirons votre attention sur le fait que les informations contenues dans cet article datent d’il y a 7 ans. La nature a bien sûr évolué durant cette période…

Voir les généralités concernant la mue

Introduction

Après avoir abordé les grands principes et les quelques règles générales qui s’appliquent à la mue des oiseaux, nous allons maintenant aborder plus en détail la mue chez quelques espèces, en nous focalisant sur les non-passereaux, et plus particulièrement sur deux groupes, les rapaces diurnes et les Laridés.

Petit rappel préliminaire : nous avons vu que les stratégies de mue sont loin d’être les mêmes pour tous les oiseaux ; elles diffèrent d’espèce à espèce et même au sein d’une espèce, particulièrement entre individus du nord et du sud.

Deuxième rappel : comme la mue des plumes requiert de la part de l’oiseau une énergie importante, il  muera en général en dehors de la période de migration et de reproduction.

Un autre élément à prendre en considération est la taille de l’oiseau, qui conditionnera la vitesse de remplacement des plumes. C’est ainsi que les grands rapaces peuvent avoir besoin de plusieurs années pour changer complètement leur plumage, du fait de la longueur du rachis qui nécessite plusieurs semaines pour pousser complètement. Sur une année, le nombre de plumes remplacées est donc limité, en particulier les premières années.

Les grands rapaces ont donc adopté une stratégie de mue dite séquentielle. Un examen attentif de l’état de la mue peut alors permettre l’identification de l’âge des oiseaux.

Pour faciliter la compréhension des descriptions que nous allons voir, voici un schéma reprenant la numérotation des plumes (il s’agit ici d’une aile de Pipit farlouse).

La numérotation est ascendante de l’extérieur vers l’intérieur.

Mue des non-passereaux

Chez les non-passereaux, la mue des rémiges peut se passer de trois façons différentes :

• Mue simultanée, par exemple chez les Anatidés, Gaviidés, Podicipedidés, Rallidés ou Alcidés
• Mue classique (comme les passereaux)[1]
• Mue à partir d’un ou plusieurs centres

[1] Chez les passereaux, la mue des rémiges primaires est descendante (de l’intérieur vers l’extérieur) tandis que les secondaires muent de façon ascendante (de l’extérieur vers l’intérieur).

Accipitridés et Falconidés

Chez les grandes espèces, la mue est continue, incomplète sur une année et souvent suspendue.

En revanche, les petites espèces connaissent une seule mue postnuptiale complète.

Voici quelques exemples.

La Bondrée apivore 

• la mue postnuptiale est complète et débute par le corps en juin chez les femelles, quelques semaines plus tard chez les mâles.
• Les plumes de vol sont acquises dès la fin juin mais elles sont limitées à 2 ou 3 primaires internes et quelques plumes de la queue avant une suspension de la mue.
• La mue reprend dans les quartiers d’hiver de l’oiseau et se termine en janvier-février.
• En ce qui concerne les jeunes oiseaux, la mue intervient en plusieurs étapes : en avril-mai (2^e année), elle concerne le corps et quelques couvertures alaires ; en juin, les P2 et P3 et les rectrices et ensuite la mue est suspendue avant une reprise dans les quartiers d’hiver.

Le Milan noir

• Comme il s’agit d’un migrateur hâtif, la mue postnuptiale complète débute avec les primaires internes chez les femelles en avril-mai (pendant la couvaison) et un peu plus tard chez les mâles. Elle est souvent suspendue.
• Chez les jeunes oiseaux, la mue partielle du corps et de la tête se produit dans les quartiers d’hiver, ensuite elle se déroule comme pour les adultes.

Le Milan royal

• Adultes : la mue postnuptiale complète commence par les rémiges primaires en avril-mai chez les femelles, un peu plus tard chez les mâles. La mue des primaires se termine en septembre-octobre. Pour le corps, la queue et les secondaires, elle intervient plus tard. La mue est souvent suspendue.
• Juvéniles : ils commencent généralement à muer par les plumes du corps dès leur premier automne mais le remplacement des plumes de vol ne débute pas avant le printemps suivant.

Les busards

• Chez la femelle, la mue postnuptiale démarre dès la ponte, et un peu plus tard chez le mâle. Elle concerne d’abord les primaires internes, puis la queue et les secondaires. Il y a au moins 3 centres. Cette mue se termine en octobre/novembre mais n’est pas complète.
• Les juvéniles ont une mue partielle en hiver qui concerne la tête et le corps principalement, puis ils muent comme les adultes.

L’Épervier et l’Autour

• Une mue postnuptiale complète démarre dès la couvaison chez la femelle, plus tard chez le mâle.
• Les juvéniles connaissent une mue complète au cours de la deuxième année. Cette mue est parfois incomplète chez l’autour.

La Buse variable

• Adultes : mue postnuptiale complète débutant en mars-avril avec les plumes du corps. Les ailes muent en avril – mai, de manière irrégulière et parfois asymétrique au niveau des primaires
• Juvéniles : mue complète commençant par le corps en novembre-décembre. Mue des ailes et de la queue dès avril, qui évolue ensuite comme les adultes mais est souvent arrêtée ou suspendue (P2 à P4 et plusieurs secondaires conservées).

Le Faucon crécerelle

• Adulte : une mue complète annuelle débute mi-mai chez la femelle, fin mai chez le mâle. La mue des primaires commence par P4 ou P5 et est souvent suspendue.
• Juvénile : la mue du corps commence dès la sortie du nid ; elle est très variable. La mue des plumes de vol survient en juin-juillet de la 2^e année.

Le Faucon hobereau

• Chez l’adulte, la mue des plumes du corps se produit en août-septembre, la mue des primaires commence avant la migration et concerne une ou deux primaires (P4 et P5), elle est ensuite suspendue.
• Le juvénile fait une mue partielle dans ses quartiers d’hiver puis mue comme l’adulte.

Le Faucon pèlerin

• La mue complète commence au moment de la ponte chez la femelle, un peu plus tard chez le mâle. Elle démarre par la P4.
• Chez le juvénile, la mue complète se produit dès la deuxième année et commence également par la P4.
• La durée varie en fonction de la latitude.

Les Laridés

Les grands Laridés connaissent deux mues par an et deviennent adultes dans leur quatrième année.

Les adultes ont une mue complète l’été et une partielle l’hiver.

Chez les juvéniles, les deux sont partielles.

La mue des primaires est classique ; tandis que la mue des secondaires se produit à partir de deux centres. Pour les grandes espèces, le déroulement de la mue dépend de l’espèce, ainsi que de la latitude : les espèces nordiques muent plus tard.

Grands goélands gris

Pour distinguer les grands goélands gris en fonction de la chronologie de mue, on peut les classer dans l’ordre suivant (le premier étant celui qui mue le plus tôt) : Goéland leucophée, Goéland pontique, Goéland argenté (L. a. argenteus) et Goéland argenté (L. a. argentatus).

Goéland cendré

La mue postnuptiale des adultes, complète, a lieu entre la mi-mai et la mi-novembre, alors que la mue prénuptiale est partielle (tête et corps) et se déroule entre mars et mai.

Mouette rieuse

Les jeunes présentent des ailes aux plumes brunes et une queue blanche barrée de brun noir à l’extrémité jusqu’à la mue postjuvénile qui s’effectue au cours du deuxième été (juin-août).

Les adultes font une mue complète entre juillet et septembre et une mue partielle des plumes de la tête entre fin décembre et mars.

Comme on peut le constater sur ces quelques exemples, les stratégies de mue sont variées et souvent complexes à comprendre ou à retenir.

En revanche, l’état du plumage avant la mue (usure), pendant la mue (perte de plumes) ou au terme de celle-ci (nouveau plumage) livre de précieuses indications sur l’âge et parfois l’état de santé de l’oiseau observé.

Sources

• Laurent Couzi et Laurent Lachaud – La vie des oiseaux Découvrir, connaître, comprendre – Editions Sud-Ouest 2007
• Pierre Lambelin – Formation en éthologie de Natagora – Les migrations
• Jacques-André Leclercq – Formation en ornithologie de Natagora / N3

• André Burnel – La mue chez les oiseaux – FO Aves Natagora

• http://www.migraction.net/

• http://cb.naturalsciences.be/OrnithoWeb/plumes.htm