Auteur : Bernard Danhaive Photo d'entête : Cigogne blanche en mue - Hervé Paques Article publié en 2 épisodes, en 2014 et 2015 dans le Bruant Wallon n°24 et 27
Nous attirons votre attention sur le fait que les informations contenues dans cet article datent d’il y a 7 ans. La nature a bien sûr évolué durant cette période…
Voir la mue pour quelques espèces
Introduction
Avant d’aborder les différents cas de mue du plumage, il est bon de commencer par donner quelques définitions et notions de base.
Et commençons par le commencement…
Quelles sont les fonctions du plumage des oiseaux ?
D’abord les plumes assurent une isolation thermique et physique, pour protéger l’oiseau des agressions extérieures. Ensuite, bien sûr, elles permettent à l’oiseau de voler. Et enfin n’oublions pas la fonction visuelle du plumage, qui joue un rôle déterminant dans les relations sociales de l’oiseau avec ses congénères.
Pourquoi les plumes doivent-elles être remplacées ?
S’il y a mue du plumage, c’est que les plumes à un moment donné ne remplissent plus correctement leur fonction par suite de leur usure.
La plume est irriguée durant sa croissance, ensuite c’est un organe mort qui est particulièrement sensible aux agressions extérieures. Les frottements de toute nature, mais particulièrement ceux de l’air provoquent une usure qui, à la longue, peut être particulièrement importante. Les processus photochimiques et les dégradations dues à des agents extérieurs comme les parasites, les bactéries ou les champignons mettent également à mal la structure des plumes.
Toutes les plumes s’usent-elles de la même façon ?
Non bien sûr ! Il est assez logique que les plumes de vol s’émoussent plus rapidement que les tectrices, moins soumises aux contraintes de l’air.
Parmi les plus exposées à l’usure, citons les rectrices, les rémiges tertiaires et les primaires externes, ainsi que les couvertures alaires.
Parmi les moins exposées, citons les rémiges secondaires, les primaires internes, les couvertures du dessous.
Mais la couleur des plumes conditionne aussi le degré d’altération. En effet, la présence de mélanine contribue à rendre les plumes plus résistantes face aux éléments extérieurs. A l’inverse, les plumes blanches dépourvues de mélanine sont plus sensibles à l’usure. On constate d’ailleurs que la pointe des rémiges primaires est souvent noire chez les oiseaux à ailes blanches, comme les Laridés par exemple.
Les oiseaux ne remplacent-ils leurs plumes qu’à l’occasion des mues ?
Non, il existe d’autres cas de pertes de plumes. Citons les accidents, la rencontre avec des prédateurs ou encore un grand stress qui peut provoquer ce que l’on appelle une mue d’effroi.
Dans ces cas, la repousse des plumes de remplacement est immédiate.
Un autre cas particulier est la perte de plumes, à l’occasion de la couvaison, destinée à constituer la plaque incubatrice. Dans ce cas, la repousse se fera à la mue suivante.
Quel type de plumage peut-on rencontrer en fonction de l’âge ?
L’oisillon qui vient de naître est soit presque nu, comme les passereaux, soit recouvert de duvet, comme par exemple les poussins ou les canetons.
Le plumage juvénile est le premier où apparaissent des plumes de couverture. C’est également celui qui comporte pour la première fois des plumes permettant à l’oiseau de voler.

Les plumages immatures sont ceux qui se succéderont entre le plumage juvénile et celui de l’oiseau qui a atteint sa pleine maturité sexuelle.
Dans la plupart des cas, la première reproduction coïncide avec le début du cycle de plumages de l’oiseau adulte. Ce cycle se reproduira pendant le reste de sa vie.
Stratégie de mue
Un peu de vocabulaire
- Mue complète : remplacement de l’intégralité du plumage; généralement après la saison de reproduction.
- Mue partielle : remplacement d’une partie seulement. N’affecte jamais les rémiges primaires et secondaires ni les couvertures primaires. Amplitude variable pour les autres plumes.

- Mue suspendue : certains oiseaux ne muent qu’une partie des plumes avant d’entreprendre la migration puis poursuivent cette mue après être arrivés sur leur site d’hivernage. Cela se rencontre par exemple chez l’Engoulevent d’Europe, le Pigeon ramier ou le Guêpier d’Europe.
- Mue arrêtée : chez certains oiseaux, et souvent chez les jeunes, la mue s’arrête si les ressources alimentaires sont insuffisantes ou en fonction de son état physiologique. Mais contrairement à la mue suspendue, la mue reprend l’année suivante à son point de départ. Ainsi trois générations de plumes peuvent se rencontrer sur une aile. Le Martinet noir, le Torcol fourmilier et certaines sternes et guifettes en sont coutumiers.
Quand les oiseaux muent-ils ?
Cette question nécessite une réponse circonstanciée !
Quelques constats de base d’abord :
- Comme la production de nouvelles plumes représente un coût énergétique important pour l’oiseau, la mue n’interviendra pas lorsque son énergie est monopolisée par d’autres objectifs.
C’est le cas particulièrement en période de reproduction ou de migration. - D’autre part, il convient d’avoir un plumage en parfait état de marche avant d’affronter les rigueurs de l’hiver et également pour pouvoir effectuer de longs trajets lors des migrations.
- Enfin, les oiseaux mâles particulièrement doivent pouvoir exhiber leurs plus belles couleurs pour la parade nuptiale.
De ces constats on peut déjà déduire que le phénomène s’opère le plus souvent avant et après la période de reproduction.
Et pour compliquer le tout, les stratégies de mue sont variables d’une espèce à l’autre et même au sein d’une même espèce !
Il est donc difficile de dégager des règles générales !
Mais essayons tout de même…
Deux mues annuelles
On discerne chez la plupart des espèces d’oiseaux deux mues annuelles : l’une hivernale, ou prénuptiale, et l’autre estivale, ou postnuptiale. Toutefois, certains oiseaux qui ne se reproduisent pas l’été arborent leur plus belle livrée en période prénuptiale, et se mettent à muer avant la reproduction proprement dite. On voit donc que les termes employés pour définir les plumages ne correspondent pas toujours aux situations réelles.
Différence « nordiques/sudistes »
Au sein d’une même espèce, les oiseaux du nord muent plus tard, plus rapidement et moins complètement que leurs congénères du sud. Cela s’explique par le fait que les nordiques doivent affronter de plus longues distances lors de leur migration postnuptiale, ce qui leur laisse moins de temps pour muer.
Séquences de mue des plumes
Les séquences de mue ne sont pas aléatoires. En effet, elles conditionnent la conservation des performances du plumage.
La mue est toujours symétrique.

Les tectrices sont remplacées en partant du corps vers la queue.
Les plumes tombent d’abord par le centre, là où elles sont nombreuses et se chevauchent largement les unes les autres, ce qui permet d’éviter de trop découvrir la peau et de préserver la thermorégulation.
Remplacement des rectrices
Les plumes de la queue muent habituellement par paires, depuis le centre vers l’extérieur.
Il y a une exception notoire qui se rencontre chez de nombreuses espèces, dont les Picidés : c’est exactement dans l’ordre inverse que la mue se produit. En effet, ces oiseaux se servent de leurs rectrices comme points d’appui pour grimper ou se maintenir sur les troncs d’arbre. Afin de protéger les plumes en pousse, la paire centrale est la dernière à être remplacée.
Remplacement des rémiges
Le remplacement des plumes des ailes est nettement plus complexe.
- Pour ceux qui conservent la capacité de voler durant la mue, ce sont d’abord les primaires internes qui sont remplacées puis la mue se propage vers l’extérieur (mue descendante). Cela se passe ainsi par exemple chez les puffins et les buses. Pour les secondaires, le sens est opposé : les premières à muer sont les secondaires externes et la mue se déplace vers le corps de l’oiseau (mue ascendante).

- La mue peut également se passer au départ de deux points au sein de la même série de plumes, tant pour les primaires que pour les secondaires. C’est le cas par exemple pour le Fou de Bassan et les cormorans.
- Perte des plumes de vol toutes en même temps : il s’agit d’une mue postnuptiale qui se produit en fin d’été et en automne. C’est le cas pour les canards, les oies et les cygnes et aussi pour les grèbes et les râles. Les oiseaux deviennent donc très vulnérables et développent plusieurs stratégies en conséquence.
- Certains anatidés vont migrer vers des sites où les prédateurs ne pourront pas les atteindre, comme des îlots côtiers ou en haute mer. Par exemple, les Tadornes de Belon regagnent les vasières de la baie d’Helgoland en mer du Nord. Le bassin d’Arcachon est également considéré comme une zone de mue de nombreux Cygnes tuberculés. Mâles et femelles conservent un plumage très voyant. La mue collective en lieu sûr est donc une réponse appropriée.
- A l’inverse, beaucoup de canards de surface muent sur leur site de reproduction ou d’hivernage. La stratégie adoptée consiste dès lors pour le mâle, au plumage normalement très voyant, à se parer d’une « tenue de camouflage » appelée plumage d’éclipse. Leurs belles couleurs reviendront au terme de la mue, soit 4 à 5 semaines plus tard.

Mue de printemps
Chez beaucoup d’espèces, aucun changement ne se produit à cette saison. En revanche, pour les Lagopèdes alpins, il est utile de perdre leur plumage blanc de camouflage hivernal au profit d’une couleur plus adaptée au paysage montagnard débarrassé de la neige.
Les mouettes et les sternes ne changent au printemps que les plumes de la tête et du cou pour arborer leur fameux capuchon noir ou chocolat.

Seul le Pouillot fitis, grand migrateur, change également ses rémiges au printemps. Il effectue donc deux mues complètes et change ses plumes de vol avant la migration d’automne et après celle de printemps. Cet effort important se justifie pour disposer d’un plumage en bon état avant d’affronter les longs trajets de migration qu’il effectue entre le nord de l’Europe et l’Afrique.
Sources
- Laurent Couzi et Laurent Lachaud – La vie des oiseaux Découvrir, connaître, comprendre – Editions Sud-Ouest 2007
- Pierre Lambelin – Formation en éthologie de Natagora – Les migrations
- Jacques-André Leclercq – Formation en ornithologie de Natagora / N3
-
André Burnel – La mue chez les oiseaux – FO Aves Natagora
- http://cb.naturalsciences.be/OrnithoWeb/plumes.htm