Le saviez-vous ?

La Pie-grièche écorcheur

Texte : Thierry Maniquet
Photo d'entête : Pie-grièche écorcheur mâle - Archennes - Hervé Paques
Article publié en 2016 dans le Bruant Wallon n°30

Nous attirons votre attention sur le fait que les informations contenues dans cet article ont 6 ans. La nature a bien sûr évolué durant cette période…

Communiqué de la police judiciaire de l’arrondissement de Nivelles – canton de Wavre : « Ces derniers printemps, on signale la présence de plus en plus régulière d’un étrangleur dans nos campagnes ». S’il ne s’attaque pas aux humains, le communiqué ajoute toutefois que cet étrangleur pourrait malgré tout provoquer indirectement notre mort en contaminant les épines sur lesquelles des proies en décomposition auraient été laissées pendant un certain temps.

Mais de qui la police parle-t-elle en des mots si peu amènes ?

Du Neuntöter (« l’assassin aux neuf victimes ») ou encore du Butcher bird (l’oiseau-boucher) en relation avec son habitude d’empaler ses proies : vous l’aurez compris, il s’agit de la Pie-grièche écorcheur.

Sanguinaire et querelleuse, on prétend qu’elle a le don d’attirer à elle les jeunes oiseaux en contrefaisant leurs cris et leur ramage, pour les dévorer ensuite (J. Crespon, Ornithologie du Gard, 1840).

On n’en dit pas moins s’agissant de la Pie-grièche grise, qui, elle, peut parfois « sévir » chez nous l’hiver : « le père et la mère afin d’inspirer à chacun de leurs petits le goût pour la chair encore palpitante et leur former un naturel sanguinaire, attaquent souvent devant eux les Alouettes, les Fauvettes, les Bergeronnettes, les Fringillées, les tuent à coups de bec, les dépècent et leur en partagent les lambeaux » (Bailly, Ornithologie de la Savoie, 1853).

Ce caractère querelleur – désolé, Mesdames – est par métaphore accordé aux femmes acariâtres : « ce sont des pies-grièches, des harpies », trouve-t-on dans le Robert de la langue française (édition 1985).

Non contentes d’être sanguinaires, on leur prête également la particularité d’être des oiseaux imbéciles (des tarnagas ou darnagas en Bas-Languedoc). Cet attribut leur vient sans doute du fait qu’elles se laisseraient approcher ou piéger facilement. A nouveau, par extension, le terme tarnagas s’applique également aux « personnes d’un caractère stupide et peu pénétrant » (J. Crespon, op. cit.).

Compte tenu de leurs habitudes d’empaler leurs proies sur des épines, il n’est pas étonnant que l’on ait fait des pies-grièches de mauvaises chrétiennes puisque, selon une tradition populaire fort répandue dans l’Indre et le Berry, ce serait une pie-grièche qui aurait apporté les épines dont fut couronné le Christ. Pour la punir, les bons paysans avaient pris l’habitude de l’attraper pour lui faire subir la loi du talion et lui enfoncer des épines ou des épingles dans la tête !

Avec cette réputation, comment ose-t-elle rendre justice, elle qu’on appelle « pendard » et qui, à ce titre, fixe aux épines de buissons, des insectes ou des lézards, exécutés en punition de leurs méfaits.

Décidément, cette famille n’a guère bonne presse. Et pour autant, quel bonheur ce serait d’accueillir cette espèce comme nicheuse dans notre région ! Je m’en vais d’ailleurs de ce pas protester auprès de la police judiciaire en demandant un rectificatif ! 

Sources