Un harle en visite à l’Université

Auteur : Thierry Maniquet
Photo d'entête :  Louvain-la-Neuve - Patrick Van Laethem

Lors du DHOE (Dénombrement hivernal des oiseaux d’eau) de décembre dernier, l’observatrice a eu la chance de voir un Harle huppé sur le lac de Louvain-la-Neuve. Présent durant trois jours (du 15 au 17 décembre), cet oiseau – un mâle en plumage nuptial – a fait la joie de nombreux ornithologues qui ont pu ainsi observer cet oiseau exceptionnel en Brabant wallon.

Un visiteur hivernal sporadique à l’intérieur des terres

Canard plongeur d’origine nordique, le Harle huppé ne se rencontre en Belgique qu’en migration et en hivernage. Les premiers individus peuvent généralement s’observer à partir de la fin octobre (exceptionnellement fin septembre). En migration pré-nuptiale, des observations peuvent être réalisées de février à mai, avec un pic en avril. Des données estivales sont purement anecdotiques.

Lors de sa présence chez nous, ce canard fréquente prioritairement les eaux salées ou saumâtres du littoral et les embouchures des fleuves.

Sa présence à l’intérieur des terres est irrégulière et concerne surtout les hivers les plus rudes (par exemple 12 ex. lors de l’hiver 1978-1979). L’observation de ce mois de décembre n’en est que plus remarquable.

Il s’agit généralement d’observations d’oiseaux isolés (souvent des jeunes ou des femelles) ou en tout petits groupes (rarement plus de trois individus ensemble), sauf lors d’hivers très rudes.

C’est ainsi par exemple que les 20 et 25 février 1956, pas moins de respectivement 30 et 38 Harles huppés ont été signalés sur le canal de Willebroek !

Il s’agit là évidemment de données tout à fait exceptionnelles.

A l’intérieur des terres, les oiseaux ne restent généralement que quelques jours. A nouveau exceptionnellement, le séjour peut se prolonger.

Harle huppé - Jodoigne
Harle huppé – Jodoigne – Hervé Paques

 

Où voir des Harles huppés en Wallonie ?

On l’aura compris, ce n’est pas à chaque sortie hivernale, loin s’en faut, que l’on aura la chance d’observer cette espèce dans nos régions.

Les meilleurs spots seront tout naturellement les grands plans d’eau du Hainaut, comme les Barrages de l’Eau d’Heure où l’espèce est quasi annuelle, à tout le moins depuis 2009 ; le harle peut y trouver des proies en abondance (notamment des Moules zébrées et des Moules quagga). Les autres « grands » sites fréquentés sont les Marais d’Harchies, le canal de Pommeroeul à Condé, la carrière d’Obourg ou le Grand Large à Nimy, voire de temps à autre l’étang de Virelles (5 ex. par exemple le 10/11/2013).

Ailleurs en Wallonie, les possibilités sont nettement plus aléatoires.

Dans la vallée de la Meuse, on se tournera de préférence vers les gravières d’Amay (4 mâles par exemple le 06/04/2018 !). Dans le passé, le site d’Oost-Maarland, à la frontière belgo-néerlandaise était également un bon spot.

En Ardenne, les grands lacs de barrage (Gileppe, Warfaaz, Butgenbach) peuvent également constituer des endroits attractifs.

Le barrage de Coo fournit aussi quelques données, mais ce site est davantage fréquenté par le Harle bièvre ; or, les deux espèces semblent s’éviter, selon Géroudet (voir cependant ci-après un cas exceptionnel de covoisinage).

Citons encore dans le namurois, le lac de Bambois, l’étang de Roly ou le barrage du Ri de Rome à Couvin qui peuvent accueillir l’espèce de manière anecdotique.

Dans l’extrême sud du pays, on évoquera enfin l’étang des Epioux à Chiny, l’étang Mellier à Léglise ou encore le site de Lonchamps à Bertogne.

Une présence extrêmement rare en rivières

Contrairement à son cousin, le Harle bièvre qui est régulier sur l’Amblève et la Semois, le Harle huppé n’est qu’exceptionnellement observé en rivière.

Tout au plus ai-je pu relever une donnée d’une femelle sur la Semois entre Tintigny et Chassepierre le 27/12/2010 et une observation étonnante sur l’Amblève entre le 19/02 et le 16/03/2011 à Sougné-Remouchamps.

Un mâle a ainsi accompagné des Harles bièvres pendant près d’un mois, paradant notamment en leur présence et se montrant agressif vis-à-vis d’un mâle de Harle bièvre, peu enclin apparemment à défendre « sa » femelle (commentaire de l’observation du 12/03/2011 sur observations.be)

Et en Brabant, me direz-vous ?

Au vu de ce qui précède, vous aurez compris que le guide du Routard des Harles huppés ne présente pas le Brabant wallon comme un lieu d’exception à visiter.

Les plans d’eau propices à accueillir cette espèce sont peu nombreux.

Indépendamment du lac de Louvain-la-Neuve, on pourrait le cas échéant songer à l’étang de Genval mais l’espèce n’y a jamais été signalée.

Je n’ai pu ainsi retrouver que deux autres données :

  • un mâle à Florival, à la frontière linguistique le 11/03/1984 sur un étang aujourd’hui asséché ;
  • une femelle à Jodoigne du 12/12/2010 au 21/01/2011. Cette observation est tout à fait remarquable, tant par sa localisation (plan d’eau relativement petit) que par sa durée ;
  • une femelle (la même?) est également observée à Zétrud le 12/02/2011.

Et dans la vallée de la Dyle ?

 Outre la donnée de Florival déjà évoquée, quelques observations ont été rapportées, assez anciennes pour la plupart :

  • 3 ex. le 03/04/1966 à Neerijse ;
  • 2 femelles et 2 mâles le 26/11/1966 à Neerijse ;
  • 1 femelle le 04/12/1966 à Neerijse ;
  • 1 ex. le 30/11/1969 à Neerijse ;
  • 6 ex. (dont 2 mâles) le 12/04/1970 au Grootbroek à Sint-Agatha-Rode ;
  • 1 mâle et 2 femelles le 19/04/1980 à Oud-Heverlee ;
  • 6 femelles le même jour (!) au Grootbroek ;
  • 2 ex. le 24/12/1989 au Grootbroek ;
  • 1 femelle le 02/02/1990 au Grootbroek
  • 1 femelle du 01 au 03/12/2013 aux Zoete Waters à Oud-Heverlee.

En conclusion, l’observation de Louvain-la-Neuve, à l’occasion d’un hiver doux est tout à fait inhabituelle.

Sources :

  • Géroudet, Les palmipèdes, 3ème éd., Delachaux-Niestlé, Neuchâtel-Paris, 1982, P.177
  • Vlaamse Avifauna Commissie, Vogels in Vlaanderen, Voorkomen en Verspreiding,Bornem, 1989, P.112
  • J-P. Jacob, J-Y Paquet, K. Devos, T. Onkelinx, 50 ans de dénombrements hivernaux des oiseaux d’eau en Wallonie et à Bruxelles, AVES 50/4, 2013, P.209-2010 ;
  • observations.be
  • Les chroniques dans les bulletins AVES.