Auteur : Bernard Danhaive Photo d'entête : Vautour fauve et Vautours moines - Marc Fasol
Mieux connaître la biodiversité et notamment les pathologies de la faune sauvage permet indirectement de surveiller la santé animale, tant domestique que sauvage.
En effet, les frontières entre les animaux domestiques et sauvages ne sont pas étanches. Prenons comme exemples le fait que les effluents des élevages se retrouvent dans l’environnement et que les troupeaux domestiques peuvent croiser des espèces de la faune sauvage.
Par quatre exemples concernant les vautours, nous allons pouvoir le vérifier. Ces rapaces, situés tout en bout de la chaîne alimentaire, peuvent être les révélateurs de problèmes situés en amont de la chaîne.
Tout d’abord le cas de disparition des vautours en Inde est bien connu.
Rappelons de quoi il s’agit.
Au cours des quinze dernières années, près de 95% des populations de vautours du sous-continent indien ont disparu. Après avoir écarté les maladies infectieuses comme causes possibles, on est arrivé à la conclusion que les vautours étaient victimes d’un anti-inflammatoire non stéroïdien, le diclofénac.
Ce produit « de confort » est largement utilisé localement en médecine vétérinaire pour soulager les douleurs de boiteries du bétail.
Et la diminution dramatique des vautours a probablement un impact dans différents domaines : recrudescence de botulisme suite au non-recyclage des carcasses, augmentation des populations de chiens errants due à l’abondance des ressources alimentaires, avec un risque accru de rage d’origine canine pour l’homme.
Au moins 23 Condors des Andes (Vultur gryphus) ont été empoisonnés en Patagonie en Argentine. Les restes ont été retrouvés par des habitants qui ont ensuite alerté les autorités. Les autopsies réalisées ont révélé que les oiseaux étaient morts après avoir ingéré un pesticide organophosphate concentré.
Bien que l’utilisation de pesticides concentrés ait été interdite en Argentine, il est plus facile et moins coûteux de s’en procurer que d’acheter des poisons traditionnels tels que la mort-aux-rats.
Dans de nombreuses régions d’Argentine, les éleveurs enduisent les animaux morts, comme les moutons ou les vaches, de pesticides ou de poisons puissants afin d’écarter les prédateurs potentiels tels que les renards, les pumas ou même les chiens, qui pourraient menacer leur troupeau. Cependant, cette pratique est non seulement dangereuse pour la faune, mais elle contamine aussi l’air, l’eau et le sol environnants, affectant ainsi le bétail et même les humains.
Malheureusement, les condors, qui se nourrissent de charognes, sont très touchés par l’empoisonnement des carcasses d’animaux. Aves Argentinas (partenaire de BirdLife) s’emploie à faire adopter par le gouvernement une loi qui réglementerait la prescription et la traçabilité des produits agrochimiques. Ainsi, les autorités compétentes pourraient contrôler la vente et l’utilisation de pesticides tels que celui utilisé pour tuer les condors.
Rien que sur l’année en cours, plus de 90 condors sont morts en Argentine à cause d’un empoisonnement par des pesticides.
Le troisième exemple concerne l’intoxication de plusieurs vautours dans les Pyrénées françaises.
En juillet 2008, neuf Vautours fauves sont retrouvés morts près du cadavre d’une vache euthanasiée dans la commune d’Aulon dans les Hautes-Pyrénées. Le produit utilisé, le pentobarbital sodique reste actif après la mort de l’animal.

Une intoxication similaire a été constatée en 2000 dans une commune proche. Trois Vautours fauves ont été retrouvés morts près de la carcasse d’une jument euthanasiée au thiopental sodique.
Ces deux épisodes posent la question des moyens à utiliser pour euthanasier les animaux d’élevage en montagne. Il serait bon d’envisager d’autres méthodes que les méthodes chimiques qui sont dangereuses pour les nécrophages comme les vautours.
Enfin, le réseau « Vigilance Poison ».
Ce réseau a été mis en place suite aux accidents constatés ci-dessus mais aussi sur le versant sud espagnol des Pyrénées.
Les cas constatés concernent des intoxications volontaires et aussi consécutives à l’utilisation de produits destinés au traitement des animaux d’élevage en estives.
Le programme consiste à collecter et analyser tous les cadavres de rapaces retrouvés. Cela concerne les quatre espèces de vautours présents sur place : Gypaète barbu, Percnoptère d’Égypte, Vautour fauve et Vautour moine, ainsi que le Milan royal.

Entre 2005 et 2012, 170 cadavres d’oiseaux ont été analysés. La cause de la mort, lorsqu’elle a pu être identifiée, est essentiellement due à l’ingestion de produits toxiques.
En conclusion, les vautours apparaissent, malheureusement à leurs dépens, comme de bonnes sentinelles de la santé de l’environnement.
Pour ne pas être privés de ce maillon essentiel dans la chaîne alimentaire, et pour conserver ce fossoyeur naturel indispensable, il conviendrait d’agir en amont.
Parmi les quatre espèces présentes en France, le Percnoptère d’Égypte, qui est plutôt détritivore, est souvent victime des pratiques de dépôts d’appâts empoisonnés destinés à d’autres espèces. En revanche, le Gypaète barbu, essentiellement ostéophage, semble moins affecté que les autres espèces.
Le Condor des Andes est presque menacé, avec un peu moins de 7 000 individus vivant dans la nature. Il vit le long de la côte ouest du continent sud-américain. Il est l’un des plus grands oiseaux du monde, avec une envergure dépassant les 3 mètres. Bien que le condor puisse vivre jusqu’à 75 ans, il ne se reproduit que tous les deux ans, ce qui rend difficile la croissance rapide de la population de l’oiseau.
Sources :
- Serge Morand, François Moutou, Céline Richomme, Coord., Faune sauvage, biodiversité et santé, quels défis ?, Editions QUAE, Enjeux Sciences, 2014
- https://focusingonwildlife.com/news/23-condors-killed-by-poison-in-argentina/