Auteur : Frédéric Raes Photo d'entête : Castor d'Europe - Jérémie Guyon
Des nouvelles du Groupe de Travail Castors de Natagora
Le premier inventaire du Castor d’Europe (Castor fiber) en Brabant wallon datant de l’hiver 2015-2016, nous avons souhaité mettre à jour nos connaissances sur sa présence chez nous, et avons réalisé cet hiver 2018-2019 un nouvel inventaire détaillé. Nous vous présentons ici en quelques points les conclusions de cet exercice.
- Il y a une bonne quarantaine de sites (= territoires) de castors qui ont été repérés en Brabant wallon, soit à peine plus qu’il y a 3 ans, et ce malgré le fait qu’il existe encore un nombre non négligeable de sites favorables non encore occupés.
- Environ 60% de ces sites comprennent un ou, plus généralement, plusieurs barrages, contre 40% lors de l’inventaire précédent. Ceci pourrait s’expliquer par un plus grand nombre de sites occupés par des familles, et donc un moindre nombre de célibataires. Il faut noter que tous les sites ne se prêtent pas à la construction de barrages. Par exemple, la Dyle en aval de Limal présente des berges et une profondeur d’eau qui suffisent au castor, lui épargnant presque partout le travail de construction de huttes et barrages.
- Sur base de cette hypothèse, et en estimant le nombre moyen d’individus par cellule familiale à 4 ou 5, on peut penser que le nombre d’individus doit désormais approcher les 200.

Les croix vertes = sites occupés cet hiver.
Les ronds rouges = sites abandonnés entre 2016 et 2019, suite à un dérangement important.
Le site avec rond rouge et croix verte superposés = abandonné puis réoccupé.
Au vu, non seulement de la sympathie qu’une grande partie de nos concitoyens a pour ce bâtisseur placide et inoffensif autant que courageux, mais aussi de son impact positif sur l’écoulement des eaux et sur la biodiversité des zones rivulaires, ce sont des bonnes nouvelles qui réjouiront tous les naturalistes, amateurs comme professionnels.
Malheureusement, une des conclusions de l’étude est nettement moins sympa.
- En effet, environ la moitié de ces sites ont connu des interventions humaines, essentiellement des destructions de barrages. Dans certains cas, ces interventions sont justifiées et ont été faites dans les règles prévues par la loi, une dérogation à la stricte protection de l’espèce ayant été accordée par le DNF.
- Mais environ la moitié des destructions de barrages sont réalisées sans autorisation, malgré les efforts du DNF pour faire respecter les réglementations. Ces destructions sauvages sont l’œuvre de riverains qui n’acceptent ni la présence des castors chez eux, ni l’existence de dispositions légales.
- Il y a malheureusement aussi eu ces dernières années plusieurs cas de castors massacrés à coups de bâton, de bêche ou de batte.

Le Groupe de Travail Castors de Natagora
Créé en Brabant wallon en 2014 avant de s’associer avec d’autres défenseurs du castor pour essayer de couvrir toute la Wallonie, le GT Castors est, bien sûr, particulièrement actif dans notre province, où son réseau de contacts est suffisamment étendu pour avoir un impact sur la cohabitation, dans les limites bien sûr de ce qui a été expliqué ci-dessus.
En synthèse, les règles de base de la cohabitation homme-castor, telles que nous les avons définies sur la base de notre expérience, sont les suivantes :
- Étant donné que le castor gère son domaine comme un ensemble cohérent et planifié, il faut éviter d’intervenir sans comprendre la dynamique de l’ensemble.
- Avec le castor, il est généralement possible de stabiliser une situation conflictuelle en trouvant un point d’équilibre entre ses objectifs et ce que les riverains humains sont prêts à accepter. Il faut donc intervenir de manière légère et progressive pour arriver à ce point d’équilibre. Dans certaines situations, il est d’ailleurs possible d’influencer, certains diront de manipuler, le castor.
- Toutes les interventions dans le territoire du castor, et surtout bien sûr les interventions importantes, sont de nature à provoquer une réaction de sa part, laquelle peut être plus gênante que la situation que l’on cherche à résoudre : il ne faut donc intervenir que si c’est vraiment indispensable.
- Le comportement du castor dépend fortement de la saison et de la pluviosité. Il est donc conseillé de faire preuve de patience, car attendre et voir venir est souvent plus efficace que de réagir immédiatement.
- Un site n’est pas l’autre et un castor n’est pas l’autre non plus : il faut apprendre à connaître « son » castor et tenir compte de ses habitudes.
Bien sûr certaines situations peuvent nécessiter une réaction rapide et déterminante, comme par exemple une route inondée ou un pertuis obturé. Mais selon notre expérience, il ne s’agit pas là de la majorité des soucis de voisinage. Le GT Castors a donc encore de longues années de travail devant lui avant que la cohabitation avec le castor n’entre vraiment dans les mœurs de nos compères humains.
