Auteur : Bernard Danhaive – Photo d’entête : Marc Fasol
Nous commençons ici une série d’articles consacrés à l’intelligence des oiseaux. Intelligence au sens large, puisque les domaines traités couvrent – outre leur capacité de raisonnement et de mémorisation – leurs remarquables facultés d’adaptation et d’orientation, leur capacité de communication, leur créativité et même leur sens artistique.
Les informations sont principalement issues de l’ouvrage (repris dans la bibliographie) de Jennifer Ackerman « Le génie des oiseaux – Les extraordinaires capacités qui ont permis aux oiseaux d’être présents sur toute la planète depuis des millions d’années ».
La réputation des oiseaux à travers le temps n’a pas toujours été flatteuse concernant leur capacité intellectuelle. Ne dit-on pas tête de linotte, réciter comme un perroquet, être le dindon de la farce, une oie blanche ?
Et cette réputation est liée à leur petite cervelle.
Mais l’analyse de leurs comportements mentaux étonnants nous pousse à les comparer à ceux des primates.
Quelques exemples ?
- Certains oiseaux « exotiques » sont capables de réaliser des dessins ou des assemblages colorés pour séduire leur femelle
- Les geais – notamment – sont capables de retrouver des milliers de graines cachées par leurs soins, et cela jusque six mois plus tard
- Les corvidés sont capables de façonner des outils, comme par exemple des brindilles coudées pour obtenir de la nourriture
- En laboratoire, des corneilles sont capables d’exécuter des suites d’opérations complexes dans un ordre bien défini pour obtenir une récompense. Elles peuvent aussi réaliser des opérations arithmétiques simples
- Le Gris du Gabon (Psittacus erithacus) est capable de maîtriser plusieurs centaines de mots anglais comme des noms d’objets, de couleurs ou de formes et de répondre à la question : combien y a-t-il de clés vertes ?
Petite tête disions-nous ?
A l’exception des oiseaux coureurs, toute l’anatomie des oiseaux s’est adaptée au vol au cours de l’évolution.
Et le cerveau ne fait pas exception. Il est donc très différent de celui des autres animaux, comme les primates par exemple.
Même si on trouve une corrélation entre des comportements novateurs et la taille du cerveau, des exceptions existent ; pensons par exemple à l’abeille dont le cerveau pèse 1 mg et qui est capable de s’orienter, de communiquer et de développer une vie sociale complexe.
Structure du cerveau
Les capacités intellectuelles, en réalité, ne dépendent pas uniquement de la taille du cerveau.
Le nombre de neurones, leur taille, leur localisation et leur mode d’interaction importent également beaucoup ! La densité des neurones chez les oiseaux égale celle des primates.
Quant à la localisation, il faut savoir que l’éléphant a trois fois plus de neurones que l’être humain, mais que 98% se situent dans le cervelet, où ils seraient impliqués dans le contrôle de la trompe.
Les perroquets et les oiseaux chanteurs disposent d’un nombre très élevé de neurones dans la partie du cerveau correspondant à notre cortex cérébral, là où s’organisent les fonctions cognitives complexes, comme la planification de l’avenir.
D’une façon générale, les oiseaux disposent de très nombreux mais petits neurones, avec de plus longues connexions.
Ainsi le roitelet, neuf fois plus léger qu’une souris, possède plus du double de neurones qu’elle.

Mais comment définir l’intelligence ?
Car il s’agit d’un concept flou et difficile à mesurer.
On pourrait dire qu’il s’agit de la capacité d’apprendre ou de tirer profit de l’expérience.
Ou encore, ironiquement, que l’intelligence est ce qui est mesuré par les tests d’intelligence !
Pour un oiseau (comme pour tout animal), l’intelligence c’est aussi savoir maîtriser son environnement, comprendre les situations et déterminer comment résoudre les problèmes rencontrés.
Pour être tout a fait précis, au lieu d’intelligence, on devrait plutôt parler de cognition et de compétences cognitives. La cognition est « l’ensemble des capacités de perception et de traitement de l’information qui permettront à un animal de mémoriser, de raisonner et de produire des comportements de réponses aux problèmes que lui propose son environnement » (Fun-MOOC – Vivre avec les autres animaux).
Et comment la mesurer ?
La mesurer est encore plus difficile que la définir !
D’abord, il est préférable de la mesurer en milieu naturel plutôt qu’en laboratoire. En effet, on se rendra vraiment compte de l’aptitude de l’oiseau à innover, dans son propre milieu, et donc à trouver une solution à un nouveau problème ou une nouvelle solution à un problème déjà rencontré.

Par exemple, il pourrait s’agir de découvrir des aliments nouveaux, comme le héron avalant un lapereau ; d’inventer des modes d’alimentation inédits, comme certains ardéidés d’Afrique qui déposent des insectes à la surface de l’eau pour appâter les poissons ; ou de profiter des largesses que l’homme leur offre autour de son habitat ou dans les décharges.
Comment comparer les oiseaux sur base de leur intelligence ?
Si on se base sur des études ayant compilé de nombreuses observations dans la nature, on pourrait établir – même si cela reste très discutable – un classement des oiseaux en fonction de leur intelligence.
Sans surprise, dans le peloton de tête, apparaissent les corvidés, dont les corbeaux et les corneilles, suivis des perroquets, des quiscales et des rapaces.
Viennent ensuite les pics, les calaos, les goélands, les martins-pêcheurs.
Et pour fermer la marche, nous retrouvons les cailles, les autruches, les outardes, les dindes et les engoulevents.
Pourquoi sont-ils intelligents ?
Première théorie : les problèmes écologiques à résoudre, particulièrement la recherche de nourriture, ont stimulé le développement des capacités cognitives, pour permettre aux oiseaux de trouver de la nourriture toute l’année.
Deuxième théorie : la pression sociale au sein d’une espèce tend à rendre l’esprit flexible et intelligent ; pensons à la défense du territoire, l’élevage des petits, la recherche de partenaire, l’entente avec les autres, …
Cependant, et malgré les nombreuses études réalisées sur le sujet, de larges zones grises subsistent encore quant à la façon dont l’intelligence des oiseaux s’organise et fonctionne.
Nous verrons la prochaine fois comment la spécialisation des espèces s’est effectuée au cours de l’évolution.
Sources
- Jennifer Ackerman, Le génie des oiseaux – Les extraordinaires capacités qui ont permis aux oiseaux d’être présents sur toute la planète depuis des millions d’années, Marabout, Science et Nature, 2017
- Fun-MOOC – Vivre avec les autres animaux
- Lars Svensson, Le Guide ornitho, Delachaux et Niestlé, Les guides du naturaliste
- https://www.oiseaux.net/