Auteur : Bernard Danhaive Photo d'entête : Vincent Rasson
La spécialisation
Après avoir constaté que l’intelligence des oiseaux ne se mesurait pas seulement en fonction du nombre de neurones ou du volume du cerveau, abordons maintenant la manière dont la spécialisation des espèces s’est effectuée.
Comment le développement du cerveau s’est-il effectué au cours de l’évolution des espèces et en fonction du milieu où elles vivent ?
Nidifuges et nidicoles
Ce comportement à la naissance a engendré une évolution du cerveau différente.
Les oiseaux nidifuges ont à la naissance un cerveau assez gros et les yeux ouverts. Ils seront donc très vite autonomes et capables de quitter le nid très tôt, mais ensuite leur cerveau ne grandira presque plus.
Les nidicoles en revanche auront à la naissance un cerveau plus petit, mais à l’âge adulte un cerveau plus gros que les nidifuges. Le développement de leur cerveau sera plus lent mais plus évolué, grâce à l’éducation prolongée prodiguée par leurs parents.
Et qu’en est-il des oiseaux parasites ?

Leur cerveau s’apparente à celui des nidifuges. Les jeunes sont donc très vite autonomes (c’est dans leur intérêt !), mais leur cerveau sera proportionnellement plus petit à l’âge adulte.
Pourrait-on aussi hasarder une hypothèse ? Est-ce aussi parce que les oiseaux parasites sont débarrassés de la responsabilité d’élever les oisillons que leur cerveau est moins gros ?
Migrateurs et sédentaires
A nouveau, une différence de comportement qui se traduit par un développement cérébral différent…
Les oiseaux migrateurs ont un cerveau proportionnellement plus petit que les sédentaires. Ce qui est logique, puisqu’un cerveau qui consomme beaucoup d’énergie et se développe lentement serait trop « coûteux » pour ces grands voyageurs. De plus, un apprentissage lent pour acquérir des informations sur leur lieu de naissance n’est peut-être pas pertinent par rapport à des comportements innés, pour des oiseaux évoluant entre des habitats très différents.
Utilisation d’outils
Pour se nourrir, certaines espèces ont été amenées à fabriquer et utiliser des outils.
Les preuves d’intelligence ne sont pas vérifiées qu’en laboratoire. Les corbeaux calédoniens façonnent des outils à partir de bâtonnets pour aller chercher des insectes sous l’écorce des arbres. Et la preuve que ces outils sont importants pour eux, c’est qu’ils les transportent avec eux.
Citons également le cas des oiseaux qui laissent tomber leur nourriture pour en libérer la partie comestible : des noix pour différentes espèces de corvidés, des œufs d’autruche que laissent choir les percnoptères, ou encore les os pour le Gypaète barbu.

Et des corneilles au Japon ont même amélioré le procédé, puisqu’elles déposent des noix sur un passage pour piétons et attendent que le trafic s’arrête au feu rouge pour récupérer leur pitance, écrasée par le passage des roues.
Le Héron vert (Butorides virescens) utilise quant à lui des appâts, comme du pain, des graines ou des insectes, qu’il dépose à la surface de l’eau pour attirer les poissons.
Le jeu
Il n’y a que les oiseaux dits intelligents qui soient capables d’activités ludiques complexes. C’est le cas pour le Nestor kéa (Nestor notabilis), gros perroquet endémique néo-zélandais, surnommé le clown des montagnes. Il aime jouer et s’en prend par exemple aux accessoires des voitures garées.
Même les sports de glisse ne sont pas l’apanage des humains : des vidéos montrent des corvidés au Japon qui se laissent glisser sur des toits enneigés et qui recommencent sans cesse.
Régimes alimentaires
Les différentes catégories d’oiseaux basées sur leur type d’alimentation sont bien connues. Il s’agit des granivores, insectivores mais aussi des herbivores, carnivores, piscivores, nécrophages ou omnivores.
Mais cette classification est réductrice puisqu’en fonction des circonstances et de la saison, le régime alimentaire peut changer et devenir plus éclectique.
Comme les espèces existent depuis plusieurs millions d’années, l’anatomie s’est adaptée progressivement à la façon de se nourrir. Il en résulte par exemple une grande diversité de tailles et de formes des becs. La fonction de ceux-ci est également très variée : ils peuvent servir comme outil de force pour creuser le bois ou ouvrir des coques de fruits secs, comme arme pour déchirer les chairs ou transpercer les proies, comme outil de précision pour confectionner un nid ou se nettoyer le plumage, comme capteur de vibration pour détecter les microorganismes vivant dans le sable, comme paille pour aspirer le nectar des fleurs, comme filtre ou encore comme épuisette. Chacun de ces usages s’est accompagné d’un développement cérébral adapté.
La spécialisation a donc permis à certains oiseaux d’occuper de nouvelles niches écologiques et, en tout cas, de perpétuer leur espèce jusqu’aujourd’hui.
Dans la troisième partie, nous verrons quelles astuces les oiseaux ont développées pour communiquer.
Sources
- Jennifer Ackerman, Le génie des oiseaux – Les extraordinaires capacités qui ont permis aux oiseaux d’être présents sur toute la planète depuis des millions d’années, Marabout, Science et Nature, 2017
- Lars Svensson, Le Guide ornitho, Delachaux et Niestlé, Les guides du naturaliste
- https://www.oiseaux.net/ Gilbert Blaising
- https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/zoologie-oiseaux-ont-plus-neurones-primates-63199/