L’intelligence des oiseaux (5)

Auteur : Bernard Danhaive 
Photo d'entête : Vincent Rasson

Construire un nid

L’élaboration d’un nid nécessite des compétences cognitives et une adresse parfois surprenantes. Les oiseaux ont la capacité innée de bâtir des constructions parfois très élaborées, mais cela nécessite également un apprentissage, de la mémoire, de la coordination et la collaboration des membres du couple.

A l’origine, on suppose que les ancêtres de nos oiseaux déposaient leurs œufs dans un creux au sol ou dans un arbre. Par la suite, pour améliorer le confort et surtout pour garantir une meilleure protection en cachant la nichée aux yeux des prédateurs, les oiseaux arrivèrent aux nids que nous connaissons actuellement.

Cependant, certains aujourd’hui n’ont pas fondamentalement amélioré la technique de base et se contentent de pondre à même le sol. C’est surtout l’apanage des oiseaux dont les poussins sont nidifuges.

Pour revenir à des formes de nids plus élaborées, les techniques de construction sont conditionnées par le milieu dans lequel l’oiseau vit, et notamment par les matériaux de construction que l’on peut y trouver. Il peut s’agir de matières végétales (herbes, feuilles, branchettes, écorces), minérales (gravier, boue), animales (crins, laine) … ou même de déchets produits par l’homme.

Un autre élément important dans la protection du nid est l’emplacement. Pour les petites espèces, le nid sera dissimulé à la vue dans les haies ou les buissons, tandis que pour les espèces plus grosses, comme des grands rapaces ou des grands échassiers, les nids seront construits dans des lieux difficiles d’accès. Enfin, plusieurs espèces nichent en colonies plus ou moins nombreuses pour organiser la défense collective des jeunes face aux prédateurs.

En fonction de la technique utilisée, on pourrait classifier les différents types de nid de la façon suivante :

  • nids rudimentaires ou inexistants (bécasse, engoulevent, gravelots)
  • amas grossiers de végétaux (guifettes, grèbes, Hibou des marais)
  • plateformes de branchettes ou de végétaux (héron, Busard des roseaux, Mouette rieuse, Pigeon ramier, corvidés)
  • cuvettes de brindilles et de feuilles (anatidés, goélands)
  • nids en coupe (la plupart des passereaux)
  • cavités creusées (la plupart des pics)
  • terriers (Hirondelle de rivage, Martin-pêcheur d’Europe, guêpier)
  • nids en « maçonnerie » (Hirondelles rustique et de fenêtre).

Art plastique

Dans la catégorie des nids particulièrement élaborés, quelques-uns sortent du lot : pensons à celui de la Rémiz penduline (Remiz pendulinus) – nicheur rare chez nous – qui est une petite merveille d’architecture. Suspendu à la fourche d’une branche flexible, au dessus de l’eau, le nid est une bourse en forme de poire, comportant une entrée latérale.

Rémiz penduline – Vincent Rasson

Les tisserins africains (plusieurs espèces appartenant au groupe des weaver) sont également passés maîtres dans la confection de nids complexes, individuels ou collectifs.  

Républicain social – Bernard Danhaive

Non contents de construire des nids fonctionnels, certains y ajoutent également une touche esthétique !

Les aptitudes esthétiques sont plus ou moins développées chez les oiseaux. Mais un des plus grands champions est le Jardinier satiné (Ptilonorhynchus violaceus) qui vit en Nouvelle-Guinée et en Australie.

En avril ou en mai, le mâle commence la construction d’un berceau nuptial élaboré. Revenant chaque jour à l’endroit qu’il a soigneusement sélectionné, il réalise une plateforme de brindilles.

Il plante ensuite deux rangées de branchettes sous forme de deux murs parallèles, se rejoignant parfois en une arche. Il décore ensuite l’entrée de plumes, petits cailloux, baies, coquilles et tout ce qu’il peut trouver, y compris des objets artificiels tels que des morceaux de métal ou de verre brillants. Tenant un morceau d’écorce dans le bec à la manière d’un pinceau, il enduit finalement les murs de son berceau d’un mélange constitué de jus de baies et de salive. Les parois sont habituellement peintes en bleu, comme le plumage du mâle, couleur qui semble attirer la femelle.

Une fois que tous ces préparatifs sont achevés, le mâle entame alors sa parade sous forme d’une danse sautillante, accompagnée d’imitations vocales dans l’espoir d’attirer une femelle. Lorsqu’une femelle marque son intérêt, le mâle lui offre un présent et l’invite à pénétrer dans le berceau pour s’accoupler.

Seuls les mâles au talent artistique confirmé auront la chance de réussir à s’accoupler, les femelles se montrant extrêmement sévères dans leur sélection.

En effet, comme les mâles n’interviennent ni dans le nourrissage de leur progéniture, ni dans la protection du territoire, les femelles ne s’intéressent qu’à leurs gènes, et donc sélectionneront les artistes les plus doués.

Les Jardiniers à nuque rose (Chlamydera nuchalis) vont même jusqu’à utiliser des illusions d’optique !

Les collections de pierres et d’os sont rangées selon leur taille pour augmenter l’aspect de perspective : les petits objets à l’entrée et les plus gros à l’arrière. Cet agencement donne l’impression que le mâle est plus grand. Dispose-t-il du sens de la perspective ou cela est-il le résultat d’essais et d’erreurs ? Les contrastes entre les objets colorés en bleu et les tapis de brindilles de couleur claire sont également recherchés.

De plus, vu la rareté des objets bleus dans la nature, il est assez fréquent que les mâles les volent chez les autres jardiniers. On a également pu assister à des scènes de vandalisme et de destruction.

Ce qui indirectement augmente aux yeux de la femelle le prestige du mâle qui a pu préserver l’intégrité de son berceau.

Peut-on considérer ces oiseaux comme des artistes ?

Oui, dans la mesure où leurs œuvres témoignent d’aptitudes génétiques particulières. Constatons en outre que certains individus semblent plus doués que d’autres. De plus, il faut réaliser que ces comportements, acquis jeunes, sont coûteux en termes d’énergie et de temps.

Le prochain article traitera de la capacité à naviguer et s’orienter.

Bibliographie     

  • Jennifer Ackerman, Le génie des oiseaux – Les extraordinaires capacités qui ont permis aux oiseaux d’être présents sur toute la planète depuis des millions d’années, Marabout, Science et Nature, 2017
  • Lars Svensson, Le Guide ornitho, Delachaux et Niestlé, Les guides du naturaliste
  • Maurice Dupérat, Nids et œufs, Artemis Editions
  • https://www.oiseaux.net/