Enquête Lérot : c’est reparti !

Auteur : Didier Samyn
Photo d'entête : Arno Laurent

Souvenez-vous de l’article paru sur notre blog le 14 juin 2019 par lequel nous vous avions déjà sollicités concernant le lérot, ce témoin révélateur de la bonne santé de notre environnement villageois et rural. Ce petit rongeur bien sympathique, protégé par la loi, avait fait l’objet de toute notre attention. Un article paraissait concomitamment dans la DH et nombre de journaux locaux de communes brabançonnes. C’est dire si la publicité avait été assurée, ce qui ne resta pas sans suites dès lors que vous avez été relativement nombreux à répondre à l’enquête. Relativement ? Oui, parce que toutes proportions gardées, les retours d’informations restent localisés et concernent souvent des témoignages qui se rapportent à une même population relictuelle de lérot dans une même entité, voire une même commune où subsiste l’espèce.

Ainsi, si des entités sont citées deux ou trois, parfois jusqu’à cinq fois, beaucoup d’autres ne sont jamais citées. Est-ce le fait d’une moins bonne couverture médiatique, ou est-ce le fait d’une moindre densité d’observateurs dans certains territoires occupés, ou une densité de lérots proche de l’extinction, voire une absence totale de l’espèce dans des territoires ? On n’en sait rien tant les paramètres sont variables. Toujours est-il que les retours sont déjà significatifs et qu’en tout état de cause, Natagora vous en remercie déjà grandement. En effet, vos contributions ont permis de doubler les mentions de présence du lérot connues avant enquête pour le Brabant wallon, telles que rapportées par le site Observations.be. Vous aussi vous pouvez encoder vos observations sur ce site moyennant l’ouverture d’un compte accessible avec mot de passe. L’encodage se fait ‘en caché’ pour les espèces protégées, telles le lérot, et ne sont donc visibles que par les validateurs de l’observation.

Où a-t-il été observé ?

Il a été mentionné dans des entités telles que Braine-l’Alleud, Nivelles, Ottignies, Ramilies et Genappe. Les signalements de lérot à Genappe sont centrés sur Glabais, en limite de Genappe et Vieux-Genappe, avec des connexions hypothétiques vers Lasne (Maransart), et à une échelle plus vaste du paysage, peut être vers Nivelles (Thines, Nivelles Sud), Braine-l’Alleud (Lillois) et Waterloo. Un foyer important se trouve aussi du côté de Ramilies et dans une zone comprise entre Ottignies (LLN) et Chaumont-Gistoux (Vieusart) en direction de Walhain (Walhain village et Tourinnes-Saint-Lambert).

Nous n’insisterons jamais assez sur l’importance du paysage et des couloirs écologiques en tant que condition minimum nécessaire de maintien des populations de lérot. Le lérot peut se trouver dans les villages qui présentent encore une mosaïque de parcelles de jardins au moins en parties sauvages avec des vieux arbres, des prairies à moutons et vergers plantés d’arbres fruitiers hautes-tiges, des pâtures à vaches entrecoupées de haies libres qui représentent des lambeaux de bocages en connexion avec des lisières boisées, des chemins creux aux talus embroussaillés. Les vieux murs couverts de lierre, les vieilles remises et annexes accessibles par un couvert végétal sont des lieux de prédilection des lérots, et parfois il suffit de quelques parcelles assez grandes, proches les unes des autres et présentant ces caractéristiques pour qu’une famille/bourgade de lérots subsiste, … souvent bien isolée !

Bonheur et tristesse

Quel plaisir alors de les voir faire la sarabande et s’invectiver mutuellement ! Et en avant que je te poursuive sur le mur, passe par le câble de la régie pour rejoindre un arbre, et de là la haie où tu ne me retrouveras plus, et là je joue à cache-cache avec toi et te polissonne de mon regard noir de bandit … On ne s’ennuie pas à les observer quand la chance se présente, et surtout à la saison de l’émergence des jeunes hors du nid. A ce moment, nos petits lérots pré-ados ont besoin d’explorer le monde toujours plus loin, de jouer avec leurs frères et sœurs, souvent même en plein jour, et c’est là la période de tous les dangers.

En effet, des prédateurs sont toujours prêts à éliminer indistinctement tout rongeur ; il s’agit principalement des chats domestiques chasseurs qui n’auront pas été maintenus à l’intérieur pendant la période sensible des nidifications de la faune sauvage. Un témoin fait état que son chat ‘lui’ a ramené sept – vous avez bien lu : sept ! – lérots en une saison, alors qu’une nichée de lérots n’atteint souvent pas ce nombre d’individus : c’est un véritable carnage !

C’est payer un lourd tribut pour cette espèce protégée déjà si rare, au regard du Rat surmulot qui devient envahissant en Brabant wallon.
Quand les rats, très destructeurs, s’installent massivement dans un secteur riche en ressources alimentaires, les chats n’y pourront rien changer, et il n’y a en général que peu d’espèces de micromammifères (musaraignes, mulots, campagnols) qui y restent dans les parages. Oui, les Rats surmulots font le vide ! De plus les produits rodenticides utilisés n’ont qu’un effet très limité sur les rats, dont seuls les goûteurs sont contaminés et meurent, alors que les prédateurs naturels comme les renards, fouines, putois, certains rapaces, pâtissent aussi de la contamination quand ce n’est pas les hérissons et les lérots déjà bien en peine. Les chats sont très destructeurs de la petite faune, et ce n’est pas en plaçant des nichoirs en contrepartie, qu’on va compenser les méfaits de nos petits chéris. Bien au contraire, placer un nichoir dans des sites fréquentés par les chats, c’est leur offrir l’occasion de trouver facilement des proies fragiles, inexpérimentées et sans défenses. Sont prédatés les lérots, jeunes écureuils, mésanges, moineaux et en général tous les jeunes oiseaux cavernicoles jusqu’aux jeunes chevêches et diverses espèces protégées qui ne savent pas encore bien voler. C’est trop lourd à supporter pour des écosystèmes déjà très perturbés, ne profitant plus qu’aux espèces les plus généralistes au détriment des espèces spécialisées dont les populations affaiblies, isolées, s’effondrent les unes après les autres.

Un besoin de protection

Ainsi s’il convient de conserver, restaurer, recréer des environnements propices aux lérots, il convient aussi d’agir sur la limitation des populations de chats domestiques dont la densité actuelle est insupportable en regard du maintien de la petite faune sauvage. Il convient aussi de défragmenter les paysages en supprimant les éclairages publics et privés qui impactent la faune nocturne et seraient inutiles en regard de nos besoins strictement justifiés, en créant des couloirs écologiques, en restaurant les trames dites noire (obscurité), verte (végétation) et bleue (zones humides et réseau hydrographique), en prenant des mesures appropriées aux points de croisement et superposition de ces trames, en freinant l’artificialisation de l’espace et du sol. Plus pratiquement chez nous, à notre niveau, il s’agit de conserver sauvage une partie du jardin, de garder des vieux arbres creux ou sénescents, de planter des fruitiers hautes-tiges et des haies libres.

Un nouvel appel à témoins

En cette année 2021, Natagora Brabant wallon relance et intensifie l’enquête relative au lérot. Tous les témoins ou observateurs, ainsi que ceux qui veulent s’impliquer dans la recherche des lérots, sont appelés à collaborer, soit en envoyant un courriel à l’adresse samyndidier1@gmail.com soit en encodant l’observation sur le site https://observations.be , en mentionnant une date et un lieu précis. Cette enquête perdurera et peut faire l’objet échanges directs par courriel à l’adresse de Didier Samyn. Même si vous n’êtes pas trop familiarisé avec l’observation de la faune, mais que vous avez bien reconnu le lérot, même dans vos souvenirs passés, n’hésitez pas à nous contacter ; toutes les informations sont précieuses.

D’avance, nous vous adressons un tout grand MERCI.

Lérot – Jctramasure – Flickr